Ce soir, la gauche de la gauche a un martyr de plus. Elle s’en émeut et s’en gargarise. Elle manifeste, s’exprime par adjectifs – ignoble, odieux, barbare, etc. – et fait de longues phrases dédiées à son émotion. Elle s’écoute et meugle le chant des patriotes. Elle plaque sur un acte crétin, une mort pas encore froide, son petit catalogue de poncifs éculés.
Pauvre bonhomme de 19 ans, tué par des cons dangereux.
Alors non, il n’y a rien de glorieux à crever si jeune pour ce que l’on croit être ses idées. Il y a cent ans, peut-être, quand les pouvoirs étaient bien plus définis, y avait-il un certain panache à s’exposer à la violence au nom du progrès humain. Mais se faire dégommer la gueule à la sortie d’une vente privée par trois débiles en liberté, cela n’a aucun sens.
Faire sciences-po quand on est aussi idéologiquement marqué non plus, d’ailleurs.
La politique n’est pas la guerre. Si on veut gagner, il faut devenir militaire. Si on veut faire triompher des idées, il; est préférable d’apprendre que tout le monde ne danse pas dans le même sens et que le progrès de l’humanité passe probablement autant par des changements radicaux que par la capacité à se laisser personne, même le dernier des connards, au bord du chemin.
La simplification, la pente facile, le raccourci et les étendards rouges ou bleus, c’est cela le seul vrai poison, celui qui fait crever des bonshommes. Quand la politique devient une guerre des gangs, elle cesse d’être de la politique.
Les « victimes » vont vouloir faire interdire des groupuscules. Ce sera leur victoire. Un calcul bien miteux, loin du prix d’une vie toute neuve, qui donnera l’illusion que la droite de la droite ne peut exister. Je plains ceux qui se contenteront de ce passe-passe. Toute société sécrète du nazi et ce n’est pas une interdiction qui y changera quoi que ce soit.
Mais, peut-être que cela fait partie du « jeu », non ? Sans épouvantails, sans ennemi, que ferait la gauche de la gauche ? Que se passerait-il si il fallait, d’un coup, passer des mots aux actes ? On commencerait par nier l’existence de tout ce qui dérange.
C’est le propre de tous les modèles extrêmes que de ne pas pouvoir tolérer les divergences, les particularismes. On veut tout aligner, faire une taille unique. Tout le monde chausse du 42 parce que le Grand Chef chausse du 42. On connait la suite.