Archive for the 'France' Category

Un vide trop plein

« Si on me parle d’un homme dans les affaires ou simplement d’un écrivain quelque peu notoire ayant fait ses preuves, je me demande à moi-même si ce personnage qui m’est désigné a seulement prouvé sa propre existence. C’est cette preuve là qu’il me faut et pas une autre. Car je suis devenu extrêmement défiant depuis le jour où je me suis aperçu de l’inexistence absolue d’un très grand nombre d’individus qui semblaient situés dans l’espace et qu’il est impossible de classer parmi ceux qui ont une appréciable et suffisante raison d’être. (…) Les recensements ne signifient rien. On ne saura jamais combien est infime le nombre réel d’habitants de notre globe. » 

-Léon Bloy, Exégèse des lieux communs

Voila un souci. Pour profiter de ce qui en vaut la peine, il faut commencer par évacuer la majorité de ce qu’on nous met sous le museau. Mais, depuis que tout coûte cher, les journalistes sont devenus des spécialistes en tout, y compris en éthique ou en politique économique internationale. Pourquoi s’emmerder à inviter des experts suant d’angoisse pour parler de sujets pointus quand la baraque est déjà pleine de fats encartés ou pas, prêts à donner des avis définitifs sur tout, informés par leurs trois potes de promo et quelques attachés de presse pas farouches ? Pourquoi se faire chier à revendiquer le droit à des points de vue gênants, contradictoires quand Bernard peut réciter ce qu’il a retenu de sa lecture de la presse ?

Pourquoi ? Pour l’exemplarité. Parce que si personne n’assure le tri, le dialogue s’appauvrit vite. Quand il devient vide, il appauvrit ceux à qui il est destiné et nous perdons collectivement le sens de ce qui a de la valeur.

Je regarde avec délectation comment le Grand Journal de Canal+ devient un corps creux. A force de remplacer des amuseurs aux idées longues par des aboyeurs, des chroniqueurs par des VRP politisés, on finit avec un produit industriel sans saveur et incapable de se rectifier de lui-même. Voila la trace merdeuse de la méthode, de cette cuisine calculée sensée remplacer l’inspiration et le tri sélectif.

Il n’y a plus de « périodes de merde » mais des « séquences ». Le bon et le moisi coexistent dans une continuum pourvu d’indicateurs, de balises. Les gestionnaires ne se préoccupent pas de qualifier le produit, du moment que les chiffres ne sont pas dangereusement mauvais. Pourquoi compliquer le process de production si l’on est pas certains d’y gagner de façon mesurable ? Pourquoi chercher à faire mieux ?

Les méthodiques qui ont pris le pouvoir dans beaucoup de ce qui fait notre connaissance du monde – information, loisirs, consommation – ne se rendent pas compte que leur variable d’ajustement est la patience de leur public. Comment le pourraient-ils sans y risquer leur propre confort ? Les « bons clients », les insignifiances dont l’égo saupoudre les phrases de « la vérité c’est que… », toutes ces fontaines à choses dites et comprises, vides d’un quelconque particularisme, d’une erreur individuelle, d’aspérités, tous ces émetteurs de « non-faux », rassurés par la passivité de leurs pairs ou le calcul de leurs supérieurs ne peuvent pas voir à quel point ils comblent un vide par du rien. Le vide, le vrai, ne se comble pas. Il précède et prolonge le plein. Je ne dis pas qu’il faut, comme certains élus de la nation, hacher chaque phrase en 3 pour convertir du banal en solennel pour cons fatigués.

Peut-être faut-il s’astreindre, comme les grands comiques, à n’avoir que quelques phrases à dire chaque année. Pourquoi la décroissance volontaire ne pourrait-elle pas commencer par une raréfaction du propos ?

Les pharaons étaient moins cons

En vala un très bon article qui fait mal : le Monde Diplomatique nous sort le bilan énergétique désastreux de la Très Grande Bibliothèque Miterrand. Un peu à la manière des dettes du grand-père qui surgissent à l’ouverture du testament, saisissant au passage les rêves embourgeoisés d’enfants mal informés, ce bilan énergétique sans appel doit nous rappeler que nos sommités architecturales sont diplômées par le gouvernement – DPLG – c’est à dire des gens ayant troqué la droiture pour un biais constant que ni l’équerre ni le fil à plomb parviennent à remettre d’aplomb. Le design, celui qui fait plus avec moins, souffre toujours de devoir croiser les lignes de pouvoir. On lui colle des marbres et des avis imposés sans le laisser faire, de peur qu’il ne soit finalement qu’utile. Ce merdage à étages témoigne en tout cas du fait persitant que nous confions les choses publiques et importantes à des gens pour qui l’optimisation est une notion abstraite voire antinomique à la pratique du pouvoir.

Un siècle de petits mickeys

Fantasmagorie, le premier film d’animation de l’histoire réalisé par le français Emile Cohl, a eu 100 ans dimanche 17 aout. Le blog Disney nous apprend qu’il comporte 700 dessins distincts, réalisés en trait noir sur fond blanc puis reportés en négatif pour donner un effet de craie sur ardoise noire.

Suivez le lien YouTube pou vous faire une idée du truc.

De l’idée au produit

Kontra, bloggeur designer livre un article bien senti sur l’efficacité des études de concepts, encensant au passage Apple pour son sens du produit. Il escamote un peu rapidement le rôle esthétique du concept product, destiné autant à décrire le produit à venir que les réactions et les usages des futurs utilisateurs.

Si les contraintes techniques font effectivement souvent beaucoup de bien au études de pré-production, un peu de design dans le vide ne nuit pas. Apple a, par exemple, longtemps appuyé son développement de boitiers sur les travaux de Frog Design. Sans ce nécessaire détachement de la seule technique, comment pousser les ingenieus du hardware à dépasser le confort rassurant de ce qui fonctionne déjà ?

Us et coutumes

Anticipons les effusions. Le web nous livre une carte des bises de France qui spécifie, je crois avec justesse, le nombre de becs admis comme usuels dans chaque région.

Utile aussi, ce site qui compile les horaires de lever et de coucher de soleil dans les principales villes du monde.

Richard Buckminster Fuller said :

“You never change things by fighting the existing reality. To change something, build a new model that makes the existing model obsolete.”

C’est l’Irlande qui vous dit WTF

Le seul état qui en avait encore la « contrainte constitutionelle » vient de dire un « merde » courtois au traité de Lisbonne tant et tant voulu par  la technocratie de l’Union Européene pour renforcer son pouvoir supra national. La ou les valeur(s) de ce texte torturé sont, une fois de plus, fracassées par l’incapacité croissante à communiquer des personnels politiques. Comme des siamois reclus, les institutions européennes ont développé un language qui leur est propre, à la fois lourd et creux, rectifiable à volonté mais quasiment incapable de dire simplement le Quoi et le Quand. Cette machine linguistique, anglophile, paranoiaque, précieuse ET ridicule ne parle donc plus à ceux pour qui elle travaille, préférant le plus souvent s’absoudre de ses ratés avec un enthousiasme feint qui frôle l’hypocrisie maladive.

Une commission bipatrite d’évaluation de la grille d’évaluation des meilleurs pratiques s’impose.

Le grand mystère du design à roulettes

Perdant mon précieux temps dans la lecture de blogs de design, je croisais ce matin l’expression « design is not styling » que je crois nécessaire de démontrer par l’exemple. Et oui, le stylisme n’est pas de la conception, c’est même le plus souvent tout à fait l’inverse. D’un côté, on part d’une intention en appliquant de la créativité technique afin d’en faire un objet, de l’autre, on habille des entrailles existantes en revendiquant des partis pris esthétiques dont la valeur dépend le plus souvent de leur vitesse d’obsolescence.

Une preuve ? Les meilleurs designers automobiles sont des architectes

La voiture imaginée en 1929 par Le Corbusier : on y voit tout autant les principes fondamentaux de la 2CV Citroën que ceux ayant guidé Ledwinka (TATRA) et Komenda (PORSCHE) hors de la vision strictement aérodynamique de Ferdinand Porsche pour la conception de la VW Coccinelle. On confie à une mécanique bien cachée le soin de véhiculer un habitacle dont la forme est dictée par l’humain qui y prend place. Les roues sont repoussées aux quatre coins, bien marquées par des gardes-boue enveloppants. Les fonctions priment sur les formes.

Le Kar a Sutra, un projet-sculpture de 1972 conçu par l’italien Mario Bellini pour Citroën et Pirelli. Difficile de ne pas y voir la géométrie faciale de la première génération de Renault « MATRA » Espace même si la philosophie floue de l’interieur n’a pas survécue à l’industrialisation. On déplace nno seulement les corps des humains mais leurs interactions, leur mode de vie. Je préfère cet exemple à celui du Combi VW car c’est ici plus intentionnel. Et puis, Bellini ose une version encore plus poussée du toit relevable.

Dans un genre encore plus minimal, la « box » de Dan Hanebrink (ingénieur aéro) de Costa Mesa en Californie boucle la démonstration du princpie général d’optimisation du design autombile que j’énonce sauvagement comme suit : « plus on déplace d’idées, moins on a besoin de s’encombrer avec du métal »

Le tube fait aussi miroir

Le Figaro ne fait pas de télé… mais de la vidéo en ligne pour questionner quelques-uns des principaux participants à la commission Copé sur le devenir de la redevance télé française et la mission de France Télévision.  C’est que le modèle public cafouille alors qu’on a décidé de le priver de publicité.  Regardons ces gars pas tous jeunes parler d’une machine culturelle, créative, osant documenter en début de soirée, citant la BBC et les chaines allemandes en exemple. Est-ce le modèle économique qui va changer le produit ? Non.

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Les québécois privés de saucisson

Parmi les étonnements de ma première année québécoise, l’absence de saucisson sec compte double. Comment un pays ou l’élevage porcin est aussi développé que les rites chretiens accepte-t-il se bouffer exclusivement des cochonneries italiennes ? Comment un pays frisquet, montagneux par endroits, riche en fines bouches et en fromages coulants peut-il faire l’impasse sur la façon la plus goûteuse de transporter de la barbaque dans un sac à dos ? Il semble que cela soit sur le point de s’arranger, doucement.

J’ai essayé les grelots des Cochons tous ronds l’an dernier : trop sec, trop fort et ridiculement trop cher. C’est bio et haut de gamme, tant mieux, mais, en Europe, le marché du sauciflard n’a jamais été exclusivement positionné sur l’élitisme. Un pays qui vend dans ses épiceries des tranches de dindon aux sulfites aurait-il peur du gras ? Peut-être.

A-t-on fait du saucisson avec du cochon d’élévage intensif qui avait mauvais goût ? Alors que Le gouvernement fédéral verse 50 millions $ aux producteurs de porcs en difficulté afin qu’ils abattent 150 000 bêtes d’ici l’automne, soit 10 pour cent du cheptel canadien de porcs de reproduction, les bricoleurs de wieners à hot dogs (hello Olymel) et autres merdasses sans goût type peperonni feraient bien de reserver quelques metres carrés à la fabrication du siflard sec… en évitant au passage d’en faire n’importe quoi.

C’est que la saucisse sèche a déjà été bien utile pour repousser les sarrasins, les romains et autres tribus de bouffeurs d’olives.